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Lors d’un de nos derniers sondages LinkedIn, nous avons mis en évidence les difficultés que nous pouvons rencontrer à rester focus au travail plus de deux heures d’affilée. En cause, notamment, des sollicitations numériques constantes : qu’il s’agisse de notifications, d’e-mails ou de messageries instantanées, tant professionnelles que privées (WhatsApp, Skype, Telegram, Slack, Discord etc.). Cette observation nous amène à nous interroger sur notre relation avec le numérique en entreprise et sur notre usage des nouveaux outils technologiques, notamment l’intelligence artificielle générative. Le numérique et nous : pour le meilleur et pour le pire ? Tour d’horizon et pistes de réflexion.

 

Stress numérique et fatigue informationnelle

Rappels et notifications incessantes, pression à l’immédiateté dans le traitement des demandes et des réponses… La multiplication des outils de communication crée un environnement de travail d’hyper-sollicitation et de surconnexion : il s’agit là d’une nouvelle forme de pénibilité au travail. Une récente étude française a ainsi démontré qu’un actif sur quatre souffrirait de fatigue informationnelle au travail. Un stress et une fatigue numériques qui peuvent avoir de graves conséquences sur l’individu, tant au niveau de sa productivité que de sa santé… Et par ricochet, sur l’organisation.

L’injonction au numérique

Ce stress s’explique sans doute par le fait que nous vivons dans une ère où l’utilisation des technologies numériques est presque devenue une obligation. Les entreprises, les administrations et même les particuliers sont poussés à adopter ces technologies sous peine d’être dépassés voire déclassés. Même dans les outils que nous utilisons au quotidien, nous sommes confrontés à un nudge à recourir aux dernières technologies, par exemple en ce qui concerne l’intelligence artificielle générative (à ce sujet un article intéressant des limites numériques). Hors du numérique, point de salut ? Rien n’est moins sûr.

Le mirage de la productivité

L’utilisation des outils numériques, y compris l’intelligence artificielle générative, est souvent perçue comme un gain de temps et d’efficacité. Mais cette impression peut être trompeuse. Par exemple, l’utilisation de l’IA pour générer du contenu nécessite souvent une relecture et une réécriture minutieuses, ce qui peut finalement ne pas représenter un gain de temps significatif. L’outil peut aider à générer des idées, débroussailler la réflexion mais il ne transformera pas un mauvais rédacteur en Paul Valéry. En outre, il ne faut pas oublier que le développement de ces outils numériques constitue un nouveau marché aussi conséquent que juteux : entre vérité factuelle et promesse commerciale, la frontière est tenue. Il est donc crucial de questionner l’usage que l’on fait de ces outils et de ne pas succomber aux incantations marketing et à l’illusion du gain de productivité.

Et l’humain dans tout ça ?

Pouvoir parler à son banquier 7 jours sur 7, 24h sur 24 : un rêve ? Avec les agents IA de relations clients, cette promesse est déjà une réalité. Guichets électroniques, caisses automatisées, bots omniprésents… Qui n’a pas ressenti un sentiment de solitude ou de frustration en ne pouvant plus parler à un « vrai » humain ? Cela soulève une question essentielle : quel futur voulons-nous pour nos interactions professionnelles et personnelles ? On aurait tort de négliger l’impact de la connexion humaine dans de nombreuses activités. Dans notre domaine, les RH, l’humain reste, encore et toujours, incontournable.

Poser un cadre

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) offre un exemple intéressant d’approche réfléchie et pragmatique de l’utilisation des technologies numériques. L’organisation a mis en place des directives pour une utilisation raisonnable de l’intelligence artificielle, en veillant à ce qu’elle respecte ses principes fondamentaux. Cette approche illustre la possibilité d’une intégration responsable et éthique des technologies numériques et montre l’exemple d’une réflexion à mener au sein des entreprises et organisations.

Trouver l’équilibre

On parle de bannir le natel dans les écoles, de limiter le temps d’écran, d’interdire TikTok aux jeunes de moins de 16 ans… Et en même temps, on promeut l’agilité, la digitalisation et la puissance des nouveaux outils numériques. La contradiction est là ; où donc placer le curseur ? Plutôt que de tomber dans une opposition binaire entre rejet total et adoption aveugle, il s’agit de développer une approche nuancée et réfléchie et un usage raisonné de ces nouvelles technologies… En se réappropriant l’art de la déconnexion par exemple.

Préserver des plages sans numérique

Réserver des plages de temps dédiées à la déconnexion nous apparaît essentiel. Ces moments permettent de solliciter d’autres formes d’intelligence et de créativité et de retrouver un équilibre. Chez Move UP, certains de nos collaboratrices et collaborateurs testent avec succès la matinée sans connexion (natel ou boite e-mail). La tendance du « Slow Computing », du livre éponyme de Rob Kitchin et Alistair Fraser, propose une réflexion sur l’usage raisonné du numérique, dans la lignée du mouvement Slow afin de reprendre le contrôle de nos « vies digitales ». Une invitation à la déconnexion réfléchie que le chercheur en sciences sociales Rémy Oudghiri a également abordé de manière très fine dans son ouvrage « Déconnectez-vous ».

Ces invitations à la déconnexion soulignent l’importance de (se) rappeler que le numérique doit rester un outil au service de l’humain et non l’inverse. Il est de notre responsabilité au sein de l’organisation, tant au niveau individuel que managérial, de questionner nos usages, d’établir des cadres clairs et de préserver des espaces de réflexion et de créativité hors du numérique. C’est à cette condition que nous pourrons véritablement tirer parti des opportunités qu’offrent les technologies numériques dans notre activité professionnelle, tout en préservant notre bien-être et notre efficacité au travail.