Les métiers RH ne cessent d’évoluer, au rythme des innovations technologiques et des transformations sociétales. À intervalles réguliers, on nous promet que la technologie va tout changer et surtout remplacer les professionnels du recrutement : les algorithmes sauront mieux identifier les bons profils que les humains, l’intelligence artificielle éliminera les biais, les avatars dans le métavers remplaceront les entretiens en face à face…
Pourtant, malgré ces funestes présages, on a toujours besoin – si ce n’est davantage – de professionnels RH. Dans cette newsletter, nous avons recensé quelques-unes des grandes tendances RH des dernières années et tenté de distinguer les solides transformations des feux de paille. Bonne lecture !

LES MIRAGES TECHNOLOGIQUES OU QUAND L’INNOVATION PROMET TROP
Depuis une quinzaine d’années, les innovations se succèdent avec la promesse de révolutionner la manière de recruter. Mais rares sont celles qui ont tenu leurs promesses.
Première tendance sous notre loupe : la gamification. Elle devait rendre le recrutement plus attractif, ludique, engageant. Le concept semblait sur le papier séduisant mais en pratique, sa complexité logistique et les coûts en ont vite limité l’usage. La gamification reste aujourd’hui un outil marginal, un nice to have mais certainement pas un game changer.
Souvenez-vous aussi de Second Life dans les années 2000… Puis de sa résurgence modernisée dans les années 2020 avec le métavers : on nous promettait alors un avenir d’entretiens virtuels et d’avatars rois. Cinq ans plus tard, le soufflet est clairement retombé. Après le traumatisme de l’ère Covid, le besoin de réel, de relation humaine et de sensorialité s’impose plus fortement que jamais. Un contact qui ne passe pas par un casque, même de réalité augmentée.
Autre mirage technologique : l’entretien et le CV vidéo. L’entretien vidéo enregistré promettait de détecter les émotions et moult signes à vertu prédictive. Les limites à l’exercice sont vite apparues, notamment avec la problématique de la confidentialité des données et les biais culturels à l’interprétation. La tendance du CV vidéo, à l’heure de la profusion de candidatures pour un seul et même poste, peut vite encombrer voire agacer les recruteurs.
Pour les candidats, le CV vidéo est fastidieux à réaliser et peut vite desservir si tant est que l’on soit peu à l’aise avec la caméra. À cela s’ajoutent les problématiques de droit à l’image et de subjectivité : avec le CV vidéo, on est en effet bien loin du CV anonymisé…
Enfin, l’intelligence artificielle (IA) générative s’est imposée comme le nouveau graal. Tri automatique des profils, matching, rédaction d’annonces : l’IA générative s’invite dans tous les pans de nos activités. Elle soulève toutefois des questions fondamentales qui résultent de son fonctionnement opaque : sur quoi se base-t-elle pour sélectionner ? Et surtout, est-elle à même de juger des qualités humaines sans la capacité de les ressentir ?
Derrière ces échecs se cache une même erreur de perspective : croire que la technologie peut remplacer le jugement humain. Or, recruter, c’est avant tout interpréter des signaux faibles, comprendre une trajectoire, percevoir une compatibilité humaine, organisationnelle… Et culturelle.
L’aspect culturel est en effet une dimension à ne pas négliger en matière de recrutement : le flop des entretiens collectifs l’illustre bien. Popularisés un temps dans des grands groupes à l’étranger, le format n’est pas ou peu praticable en Suisse, pour des raisons culturelles évidentes. Sur le marché helvétique, l’attachement à la confidentialité des processus de recrutement, tant du côté RH que du côté candidat, associé au rejet d’une mise en compétition ouverte, rend le recours à ce type d’approches utopique.

QUAND LA QUÊTE DE SENS REPREND L’AVANTAGE
À l’inverse, certaines pratiques se sont imposées non pas parce qu’elles sont « nouvelles », mais parce qu’elles réintroduisent du sens et de la consistance dans le recrutement.
Première tendance durable : valoriser les compétences réelles. Dans un monde toujours plus incertain, les organisations recherchent des profils agiles, capables d’apprendre et d’évoluer rapidement. Les valeurs, la personnalité, la motivation pèsent souvent plus lourd que la conformité « technique » à une fiche de poste. Miser sur le potentiel plutôt que sur le « pedigree » ? Voilà un signe indéniable de maturité organisationnelle.
Deuxième tendance forte : l’investissement dans la formation interne et dans les profils déjà actifs au sein de l’organisation. Former, faire évoluer, accompagner : c’est aussi une manière de fédérer et de fidéliser dans l’entreprise… à moindre coût. Recruter à l’externe demande du temps, des ressources et va avec son lot d’incertitudes : l’épée de Damoclès des erreurs de casting n’est en effet jamais bien loin…
Troisième tendance de fond : le job-sharing et la co-direction. Longtemps considérés comme des cas particuliers, ces modèles partagés s’installent progressivement, et même à des postes de management exigeants. Ils permettent de conjuguer complémentarité des profils et équilibre de vie. Pour fonctionner correctement, il faut sortir des logiques de simple division du temps de travail mais beaucoup plus penser en termes de complémentarité des compétences : une nouvelle manière d’envisager la responsabilité collective.
Quatrième tendance durable : la transparence. À l’heure où les candidats échangent ouvertement sur leurs salaires, leurs expériences ou leurs conditions de travail, la transparence devient un facteur clé d’attractivité pour l’organisation. Prendre les devants en publiant les grilles salariales, en explicitant les processus et responsabilités contribue à instaurer un climat de confiance au sein de l’entreprise.
Last but not least : l’intérim management connaît un engouement certain et les profils spécialisés sont particulièrement recherchés. Il offre une souplesse précieuse dans les périodes de transition comme dans les situations de crise, les projets de transformation ou de restructuration, un départ soudain ou une absence prolongée. L’intérim management apparaît comme une solution stratégique et agile pour les organisations confrontées à l’incertitude.
À l’aune de cet inventaire des tendances RH, une certitude s’impose : les outils et innovations technologiques ne remplacent pas la relation humaine, basée sur la confiance, l’empathie mais aussi l’intuition. Un recrutement réussi est avant tout une histoire de valeurs partagées, de transparence et d’engagement réciproque.
Les technologies et leurs usages vont continuer de bousculer et challenger nos pratiques : au lieu d’opposer humain et technologie, le vrai défi sera de trouver un juste équilibre… En veillant à toujours garder la main. Car ce qui fait le sel des métiers RH, hier comme aujourd’hui, c’est, et cela restera, L’HUMAIN.

